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  1. Aimee Walleston (@AimeeWalleston) propose un constat assez proche dans un autre article pour Real Life. Le refus vaccinal doit lui aussi s’entendre dans le contexte d’une médicalisation toujours plus étendue de la société. La promesse vaccinale qui se dessinait dès l’hiver 2020 a apporté l’espoir d’un retour à la normale. Mais les variants et la difficulté à atteindre une efficacité vaccinale optimale ont rapidement douché les espoirs. Les vaccins se sont avérés protecteurs notamment contre les formes graves de la maladie. Mais tout comme les masques ou les tests, les vaccins sont également devenus un point de division de la société. Pourquoi ce vaccin a-t-il été considéré par tant de personnes comme suspicieux (contrairement aux autres obligations vaccinales, dont le rejet est finalement très marginal) ou comme une atteinte à la liberté individuelle ? À l’inverse, pourquoi ce vaccin a-t-il été promu comme LE moyen de mettre fin à la pandémie ? Ces deux réactions sont opposées, mais s’inscrivent l’une comme l’autre dans la même histoire de médicalisation de la société et la croyance que nombre de nos problèmes de santé peuvent être résolus par une intervention médicale individuelle.

    La distanciation sociale, le port du masque, la fiabilité des tests, comme la vaccination… ont tous reçu le même accueil. D’un côté, ils étaient la nouvelle liturgie des uns, de l’autre ils étaient la nouvelle profanation des libertés fondamentales des autres. Les uns considérant les autres comme paranoïaques, égoïstes, soumis à un lavage de cerveau et totalement déconnectés de la réalité… et inversement. Le scepticisme comme la foi en l’autorité de l’expertise médicale étaient pour les uns comme pour les autres considérés comme de l’ignorance ou de l’aveuglement.

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    Pour Illich, le médecin est efficace quand il diagnostique, mais, s’il ne présume pas que le patient est atteint d’une maladie, c’est néanmoins ce qu’il recherche. Il diagnostique donc la maladie plutôt que la santé. Pour Illich, nous sommes désormais dans une société qui transforme les gens en patients où les professionnels de santé exercent une autorité qui va au-delà de la salle de soins, comme l’a montré plus que jamais la pandémie. Pour Illich, nous sommes entrés dans un « impérialisme du diagnostic » qui permet aux « bureaucrates médicaux » de « subdiviser les gens entre ceux qui peuvent conduire une voiture, ceux qui peuvent s’absenter du travail, ceux qui doivent être enfermés, ceux qui peuvent devenir soldats, ceux qui peuvent franchir les frontières, cuisiner, pratiquer la prostitution… ceux qui ne peuvent pas se présenter aux élections (…) ».

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    Si la médecine a tout pouvoir, la seule façon de s’y soustraire est de la refuser. Dans La médecine comme institution du contrôle social (1972), le sociologue Irving Zola affirme que le discours médical « écarte, voire incorpore, les institutions plus traditionnelles que sont la religion ou l’État. Il devient le nouveau dépositaire de la vérité, le lieu où les jugements absolus et souvent définitifs sont portés par des experts supposés moralement neutres et objectifs », contrairement au clergé ou aux représentants de la loi. Les jugements portés au nom de la santé semblent toujours incontestables (qui voudrait être en mauvaise santé ?), pourtant elle reste un concept politique comme un autre. La santé est ouverte au débat, complexe, multidimensionnel et évolutif, selon par exemple l’importance accordée aux objectifs individuels ou collectifs ou ce qu’on mesure comme relevant de la santé ou n’en relevant pas. « Tout comme il existe de nombreuses façons d’être désavantagés dans la société américaine, il existe de nombreuses façons de définir ce que le terme d’incapacité (ou de maladie ou de handicape) recouvre ». La crise des opioïdes est l’exemple classique de ce qu’Illich qualifiait d’iatrogenèse, par lequel l’intervention médicale accroit la maladie et ses maux sociaux.

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    La perspective d’une réponse médicalisée a négligé de tenir compte de la manière dont les normes communautaires ont un impact sur la santé globale de la société – et ce d’autant plus que dans son cadre limité de diagnostics individuels, elle ne donne pas la priorité à la santé « sociale ». » La médecine est elle aussi sous l’emprise des impératifs du capitalisme et des exigences du consumérisme, comme l’a montré la crise des opioïdes et la réponse à la pandémie ne s’est pas extraite de ce contexte-ci.

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    « un groupe veut une sécurité parfaite grâce au médical, l’autre veut une liberté parfaite grâce au refus. Mais prendre ou ne pas prendre le vaccin ne peut apporter ni l’un ni l’autre. »

    Bien sûr, souligne Walleston, ces constats n’apportent aucun argument au refus vaccinal. Choisir d’être vacciné pour répondre à une crise de santé publique est la meilleure approche et la plus universellement bénéfique que nous ayons en ce moment. Reste que les controverses sur l’obligation vaccinale ne devraient pas nous servir à haïr les autres, mais à nous poser la question de la santé que nous voulons. Et celle-ci ne peut assurément pas reposer uniquement sur les ordres qu’on nous donne. Surtout quand ceux-ci finalement ne perçoivent de leurs objectifs que la seule santé au détriment de tous les autres droits. C’est un peu comme cette rengaine que la sécurité serait la première des libertés. Nos droits sont un équilibre. Les ordres de la médecine ne suffisent pas à faire société, au contraire, à mesure qu’ils se démultiplient, ils en interrogent plus que jamais le sens !
    https://www.internetactu.net/a-lire-a...ionalite-et-irrationalite-pandemiques
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