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  1. ’un des problèmes c’est certainement de croire qu’il n’y en a qu’une ! La pandémie nous a pourtant pleinement montré que la vérité de l’épidémiologie n’était pas là même selon les spécialités médicales d’où on la regardait. Pour beaucoup, il suffirait pourtant de placer des experts à la tête des décisions politiques pour éclaircir les influences que la science subit et mieux révéler une vérité qui serait, elle, impartiale. Mais, explique Taylor Dotson, « la scientisation de la politique repose sur la même hypothèse que les attaques contre la politisation explicite de la science ». Bien souvent, elle vise à dépolitiser les questions publiques qui posent problème.

    Pourtant, rappelle-t-il, nous croulons sous les études scientifiques mal menées, mal conçues, aux résultats peu reproductibles ou peu fiables… Une politique guidée par la preuve scientifique ne nous garantit pas vraiment qu’elle soit guidée par la réalité. En fait, on peut largement douter que la science puisse fournir une base solide et indiscutable à l’élaboration des politiques. Reste, souligne Dotson, même si les valeurs et la politique jouent un rôle dans la recherche, la science doit rester un moyen dominant de régler les questions publiques. « Il ne fait aucun doute qu’il est préférable d’avoir recours à certaines recherches scientifiques pour décider d’une question complexe plutôt que de ne pas en avoir du tout. De plus, même si les résultats scientifiques sont parfois biaisés ou même complètement faux, les institutions scientifiques valorisent au moins le fait d’essayer d’améliorer la qualité des connaissances. »

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    En fait, l’un des problèmes de la science est d’introduire ses propres biais. Dans Seeds, Science and Struggle (MIT Press, 2012, non traduit), « la sociologue des sciences Abby Kinchy (@abbykinchy) a constaté que le fait de privilégier les évaluations fondées sur des faits tend à écarter les préoccupations non scientifiques. La controverse sur les cultures génétiquement modifiées est souvent réduite à la seule probabilité d’un dommage évident pour l’environnement ou le corps humain. Pour de nombreux opposants, cependant, les conséquences les plus inquiétantes des cultures OGM sont d’ordre économique, culturel et éthique », et notamment sur les cultures non transgéniques. Pour que le débat reste ancré dans la science, il exclut très souvent ce qui n’en relève pas. Ainsi dans notre réponse scientifique à la pandémie, les considérations médicales se sont faites au détriment de toutes autres considérations, notamment celles liées aux libertés publiques. De même, les débats sur le génie génétique oublient les préoccupations socio-économiques qui vont à l’encontre d’une vision industrielle de l’agriculture. De même, dans le débat sur les voitures sans conducteur, on oublie d’observer si l’avenir de nos déplacements ne bénéficierait pas bien mieux d’un monde de transports en commun…

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    La politique est le résultat d’un processus de négociation dans lequel les individus se défient les uns les autres, et pas la décision liée à une compréhension supérieure d’une classe d’experts. Popper n’avait pas imaginé que la certitude fanatique descendrait jusqu’aux individus.

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    Le problème, c’est que le scientisme refuse aux non-experts tout rôle dans les réponses spécifiques. Les non-experts se doivent d’écouter la science, comme si les compromis politiques qu’elle produisait n’étaient pas de leur ressort ni problématiques. Depuis que l’expression post-vérité est entrée dans notre vocabulaire, les inquiétudes liées au conspirationnisme ont explosé. Reste que la désinformation et la mésinformation ne s’y réduisent pas. D’abord parce que les conspirations existent et surtout parce que nous sommes en droit d’interroger et critiquer. Bien sûr, le conspirationnisme réduit toutes les questions politiques à des machinations, dans une forme de théorie cynique de l’expertise, où les experts ne servent que les nantis et les puissants.

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    « Cette politique est pathologiquement pathologisante – c’est-à-dire qu’elle vise à disqualifier les opposants en les diagnostiquant comme pathologiques » Le risque est de transformer tout désaccord en maladie psychique et à en immuniser celui qui fournit le diagnostic. Pire, cela suggère que la seule raison de participer à la politique est d’avoir des opinions fondées sur des preuves. Certes, les preuves et les faits ont une grande importance, mais les valeurs en ont tout autant. Le risque, en masquant nos oppositions sur les valeurs, est de miner nos capacités à délibérer, et finalement à dépolitiser nos désaccords, à leur enlever leur complexité morale et pratique.

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    si l’opposition politique n’est considérée que comme le produit de la désinformation ou de l’analphabétisme scientifique, tout compromis devient impossible, irrationnel, puisqu’il consiste à sacrifier la vérité. « Nous nous sommes profondément trompés en croyant que l’ère de la post-vérité pouvait être combattue en redoublant d’efforts en faveur de la science », estime Dotson. Au contraire, le scientisme rend plus difficile l’enjeu à réconcilier des positions antagonistes et qui deviennent méfiantes l’une envers l’autre. La politique factuelle attise le conspirationnisme. « En se retranchant à tout bout de champ derrière le principe « suivre la science », nos dirigeants ont réduit les gens à des vecteurs de propagation de la maladie, à des points de données à contrôler, tout en affichant une attitude indifférente à l’égard de leurs réalités vécues ».
    https://www.internetactu.net/a-lire-a...-pas-regler-nos-differends-politiques
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