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  1. Pourquoi cela satisfait-il particulièrement l’auditeur bourgeois ? D’abord parce que le fait de restreindre le champ d’écoute permet d’approfondir chaque « grand » compositeur et donc de se distinguer du prolo qui ne connaîtra que les airs les plus connus popularisés par un film à succès ou une publicité. C’est aussi pour cela que la musique classique d’aujourd’hui correspondant à des BO de films est comparativement peu diffusée sur une telle radio, le prolo pourrait reconnaître ! Au contraire, on préférera se gargariser entre happy few à comparer différents interprétations d’une même œuvre ancienne, avec une sensibilité aux subtiles variations que seuls les bourgeois ont matériellement le temps de cultiver.

    Ensuite, l’éternel retour du même est extrêmement rassurant, car il permet à l’auditeur qui reconnaît un morceau déjà passé de se dire qu’il a de la « culture » et de se sentir valorisé. Se confronter à un nouveau morceau ou un nouveau compositeur, c’est au contraire accepter sa méconnaissance, ce qui est peu compatible avec l’image d’assurance et de légitimité que la bourgeoisie veut donner d’elle-même. Ce mécanisme de l’éternel retour d’une même production est d’ailleurs le principe au fondement du festival de Bayreuth en Allemagne, qui tourne depuis bientôt 150 ans sur les 10 mêmes œuvres de Wagner ! Le succès est tel qu’il faut attendre des années pour avoir une place. Seule une élite bourgeoise peut concrètement avoir accès à ce type de spectacle, dont l’intérêt principal est moins sa grande qualité artistique qu’elle ne consiste en une marque sociale, d’abord d’y être mais surtout d’y avoir été.

    Enfin, mettre en avant un faible nombre de « grands » compositeurs corrobore l’idéologie dominante du mérite et du génie individuel, en montrant par l’exemple qu’il est tout à fait normal d’attribuer 50 % des ressources à 9 personnes seulement… ce qui rappelle vaguement quelque chose. Sélectionner aussi radicalement un petit nombre de compositeurs aussi bons soient-ils, c’est en écarter combien d’autres, et sur quels critères ?

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    > L’avantage de la charité, c’est que c’est un système qui permet de choisir la cause pour laquelle on donne, et de recevoir directement en retour une gratification morale correspondant au transfert d’argent, se traduisant même parfois symboliquement (galas, concerts, voire plaques commémoratives pour les plus grands donateurs ou mécènes…), et surtout qui ouvre droit à défiscalisations

    > Sachant qu’une défiscalisation, c’est soit moins de service public, soit compensé par une hausse des impôts, c’est bien le pauvre qui va subir ou payer pour la rentabilité des « quelques économies » de cet homme bien propre sur lui et soucieux du bien commun. Bien entendu, le bourgeois a l’impression d’être utile en permettant à un pauvre de se loger. Enfin goûtons sans réserve cet aveu en creux, « la vraie utilité sociale » impliquant que la plupart des autres « investissements » sont bien complètement nuisibles, mais cela personne ne s’en est rendu compte à Radio Classique.

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    > Bon, à ce stade, on se dit surtout que la quasi-totalité des pubs se rapportent directement à l’argent en tant que tel, soit pour en avoir plus, soit pour le donner en purifiant son âme, soit un mix des deux : c’est obsessionnel. Il n’y a pas de pub pour une mutuelle ou des promos en magasin, et une seule qui soit en rapport avec un bien à acheter réellement – et encore, de l’agneau en semaine de Pâques. Les auditeurs de Radio Classique ne sont pas à ce niveau-là n’est-ce pas.


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    > Enfin, il faut noter l’omniprésence des publicités pour sauver les chrétiens d’Orient en soutenant l’association SOS chrétiens d’Orient. Il s’agit d’une association issue des milieux de la droite catholique qui vise à encourager le maintien sur place des chrétiens persécutés en Irak, Syrie, Liban, Égypte. Si l’on peut comprendre la solidarité entre coreligionnaires, on peut aussi lire en creux que cette action de soutien est nécessaire à cause de ces méchants musulmans. Gageons que c’est aussi une manière de se placer dans la lignée de Charles Martel et Godefroy de Bouillon, héros d’un passé d’autant plus fantasmé qu’on peut le présenter à peu près comme on le souhaite. Cela tombe bien, Franck Ferrand est là, qui opère sur la même radio.

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    > Un bourgeois exploitant le travail d’autrui, détruisant le droit du travail, maltraitant les soignants et les vieux dans les EHPAD en exigeant une rentabilité de 10 % ou 15 % sur son placement ne se voit pas comme une ordure capitaliste, non. Il se fait seulement un autre récit de lui-même que celui que nous faisons à Frustration.

    > Radio Classique ne donne pas l’image d’une radio qui serait outrageusement réactionnaire. Elle donne plutôt une image d’évidence, celle du récit que la bourgeoisie se donne à elle-même : chaleureuse et bienveillante sur la forme, sûre d’elle-même, entreprenante et généreuse sur le fond (nous dirions : individualiste, opportuniste et inconséquente…). Elle entretient une image du passé largement fantasmatique glorifiant quelques individus démiurgiques – les génies et les héros – dont elle se voit la continuatrice et seule capable d’apprécier la valeur, et dont elle pense tirer sa légitimité à dominer.

    > Celle-ci va donc de soi, mais s’il en fallait une preuve c’est qu’elle est cultivée, et méritante de l’être : c’est du boulot, d’aller écouter Wagner ! La musique classique remplit le rôle de code culturel qui permet aux conservateurs de créer un espace propice à développer leur récit. Ce code ne change jamais pour faciliter la reconnaissance entre pairs et la reproduction des élites, mais on fait bien en sorte de le laisser peu accessible aux autres catégories de la population afin de protéger l’entre-soi des bourgeois. Cet éloignement du monde se manifeste aussi par l’euphémisation de tout ce qui pourrait heurter leur sensibilité, la pauvreté ou le prolétariat sont par exemple des concepts inexistants. Une fois protégée du monde extérieur par ses codes, mais aussi ses lieux et ses relations, la bourgeoisie peut alors se permettre de raisonner en circuit fermé, hermétique au monde réel.

    > Donc si des gens sont pauvres ou que l’Hôpital public se délabre, il n’y a pas de cause bien définie, à part que c’est la faute à pas de chance probablement, ou bien ils ne se sont pas donné les moyens de sortir de cette situation. Et ça, on ne peut rien faire, sauf s’ils sont chrétiens d’Orient / femmes battues / Église en détresse, car là évidemment ce sont des causes valables puisqu’elles touchent leurs affects bourgeois. Enfin, avec ce mode de pensée individualiste, aucun raisonnement systémique ne peut prendre place dans leur univers : aucun lien, apparemment, entre le soutien aux soignants par une collecte de dons et une défiscalisation dont on bénéficie. La main gauche ignorant ce que fait la droite, la morale est sauve.
    https://www.frustrationmagazine.fr/en...ssique-nous-apprend-de-la-bourgeoisie
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  2. -
    https://www.nouvelobs.com/ce-soir-a-l...le-profit-au-detriment-de-la-vie.html
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  3. -
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/f...en-france_fr_5e9228d1c5b6f7b1ea82ce9a
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  4. -
    https://www.letemps.ch/opinions/ne-re...s-normalite-cest-precisement-probleme
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  5. l’optimisme est une responsabilité– le mot est du philosophe Alain. L’épidémie à elle seule ne pourra rien pour nous. L’épreuve à elle seule ne sera pas salvatrice. Bien au contraire, elle risque fort de nous précipiter demain dans une situation bien pire. Ce que nous observons de positif durant ce temps suspendu du confinement s’évanouira aussitôt que les “affaires” auront repris, que chacun sera à nouveau accaparé par sa vie d’avant, si nous ne faisons pas davantage que nous émerveiller, un peu béats, et si nous nous contentons de nous mettre à croire en des lendemains qui chantent. Retrouver l’espérance c’est bien, tout faire pour qu’elle se concrétise, c’est mieux. Notre optimisme n’aura donc raison que si nous sommes assez nombreux à prendre, dans cette période même de confinement, la décision, la vraie détermination à ressortir demain de chez nous pour nous engager, nous battre au quotidien et au long cours, en commençant par changer notre propre façon d’être et de vivre.

    nous étions déjà enfermés mais nous ne le savions pas, ou pas encore assez: enfermés dans un système de société et de civilisation devenu absolument insensé, qui nous fait tourner sans fin dans la roue du travail et de la consommation, qui ne se préoccupe que de nous faire fonctionner comme des robots toujours plus performants, de nous élever en batterie comme un bétail qu’on fait trimer et qu’on engraisse –et qu’on confine lorsqu’il faut protéger sa force de travail pour garantir ainsi l’avenir de ce qu’elle rapporte à une caste de super riches qui confisque l’essentiel de la richesse produite.

    la réalité est que nous n’allons faire que rejoindre notre régime habituel d’enfermement. Et on peut raisonnablement prévoir que ce régime va se durcir dans des proportions inconnues jusqu’ici, jusqu’à l’insupportable. Pourquoi? Parce que le système va mettre tout le monde à marche forcée pour “faire repartir l’économie”. Il va vouloir récupérer l’argent qu’il a perdu, et nous édifier pour cela avec des grandes leçons de “solidarité collective”, tout en n’oubliant pas de culpabiliser et de punir les mauvais tire-au-flanc qui essaient de se soustraire au saint effort de rembourrer les côtes amaigries du veau d’or. Les conditions de la vie sociale, du travail, vont ainsi devenir encore bien plus difficiles, asservissantes, démoralisantes, violentes. Elles vont faire des dégâts humains considérables à toutes les échelles, et bien sûr ce sont les plus vulnérables qui, toujours plus nombreux, vont en payer le prix le plus lourd. De quoi donc va-t-on réellement sortir, je vous le demande?

    car ce que l’on observe très majoritairement aujourd’hui, ce sont des masses mondiales conditionnées et tétanisées par la peur autant que par l’obsession matérialiste de la consommation, et qui vont être contentes que demain des pouvoirs toujours plus autoritaires les privent de toujours plus de liberté pour être bien sûres d’être “protégées” et bien nourries –je devrais dire gavées. Tout le monde aime la liberté mais personne n’en veut. Cherchez l’erreur. C’est la même qui se reproduit depuis des millénaires, relisons La Boétie: lorsque le monde dans lequel il vit lui fait assez peur, l’homme entre de son plein gré dans la servitude de celui qui prétend pouvoir le protéger.

    Il me semble, par conséquent, que toutes ces forces et ces intelligences de changement doivent, au lieu d’espérer un peu facilement en une sortie de crise heureuse et rédemptrice, plutôt se préparer à avoir encore devant elles de longues années de lutte obscure et souterraine. De longues années d’humilité. De longues années d’efforts invisibles passées à semer dans un sol ingrat les graines d’un renouveau qui, s’il doit germer un jour, ne le fera plus probablement que bien plus tard –bien après que soit passé le fléau de ce maudit virus.

    Je n’aurai pour l’heure, par conséquent, qu’un seul conseil. La patience dans l’épreuve et dans l’espérance. La patience et la persévérance dans l’invention d’un nouveau modèle de société et de civilisation. L’aurore finit toujours par arriver, même après la nuit la plus noire. D’ici là, essayons de ne pas tous céder à la panique ni, à l’inverse, à la “pensée magique” de croire que le changement serait déjà là, à portée de main. Galvanisons, coûte que coûte, notre résolution à mettre en œuvre ce changement dès notre libération. Mettons à profit l’enfermement lui-même pour fortifier en nous-mêmes cette résolution et notre foi en un avenir meilleur. Il le faut et ce sera demain plus difficile encore parce que sans doute d’autres épreuves nous attendent, toujours plus lourdes au fur et à mesure que nous nous serons enfoncés plus bas dans l’impasse.

    Le sens de la vie, n’en déplaise aux relativistes et aux nihilistes, est d’être en accord avec soi, de vivre en fraternité avec autrui et en harmonie avec la nature. Telle est la formule de la grande santé humaine.

    pendant ce temps du confinement qui nous est imposé, c’est peut-être la première question avec laquelle nous avons rendez-vous: quels sont les liens que je peux réparer? Là tout de suite, avec ceux en compagnie de qui je vis le confinement. Ce lien de sollicitude, de bienveillance, de partage, d’amour que j’avais un peu oublié ou négligé. Et demain, dehors, dans mon métier ou mon engagement bénévole, dans mon quartier ou sur mes réseaux, ce lien d’engagement et de combat qui va redonner à nos vies une belle et grande direction. Comment donc vais-je pouvoir rejoindre, dès aujourd’hui, l’armée des ombres, cette grande armée des Tisserandes et Tisserands qui ont entrepris de changer de vie pour changer la vie? Et qui œuvrent souterrainement au monde d’après?

    Inventons donc ce qu’André Gorz appelait déjà au XXème siècle “la civilisation du temps libéré”
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/a...vions-pas_fr_5e84a604c5b6871702a8121c
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