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  1. C’est comme si en informatique, l’enjeu premier était de ne pas prendre parti ou de ne pas faire de politique… Comme si tout n’était question que de paramètres à régler.

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    « Lorsqu’on entre dans le « monde réel », la perspective acquise grâce à ces formations en informatique s’intègre parfaitement à l’idéologie économique dominante. Après tout, qu’est-ce que le capitalisme néolibéral sinon un système organisé selon un cadre d’optimisation particulièrement étroit ? » « À l’école, on nous a dit que tout problème pouvait être résolu en tournant les boutons algorithmiques de la bonne manière. Une fois diplômés, cela se traduit par la conviction que, dans la mesure où la société a des défauts, il est possible d’y remédier sans changement systémique : si l’accumulation du capital est le seul véritable objectif et que le marché est un terrain de jeu infiniment malléable, il suffit de donner aux agents individuels les incitations appropriées. Pour réduire l’utilisation du plastique, ajoutez une surtaxe sur les sacs d’épicerie. Pour résoudre la crise du logement, relâchez les contraintes imposées aux promoteurs d’appartements de luxe. Pour contrôler la pollution, fixez un prix de marché en utilisant un système de plafonnement et d’échange. »

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    « Le péché originel du programme capitaliste est donc qu’il optimise non pas une certaine mesure du bien-être social ou de la satisfaction humaine, mais une quantité qui ne peut être qu’un lointain substitut de ces objectifs. Pour remédier aux dommages considérables causés par cette mauvaise formulation, les démocraties libérales d’aujourd’hui cherchent à concevoir un programme plus nuancé. Le profit constitue toujours le premier terme de l’objectif, mais il est désormais accompagné d’un éventail impressionnant de termes secondaires modifiables à l’infini : imposition progressive des revenus pour ralentir l’accumulation des richesses, taxes et subventions pigouviennes pour guider le comportement des consommateurs, et marchés d’émissions financiarisés pour freiner la désintégration rapide de la planète. Lorsque les carottes et les bâtons du marché ne suffisent pas, les gouvernements tentent d’imposer des réglementations, en introduisant des contraintes supplémentaires. Ces solutions politiques suivent précisément la même logique que les exercices qu’on nous propose en classe sur les réglages algorithmiques. »

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    L’informatique lui est bien supérieure, ironise l’ingénieur. « Elle enseigne les axiomes et les méthodes du capitalisme avancé, sans les questions politiques qui peuvent se poser en économie ou dans d’autres sciences sociales. Dans sa forme actuelle, l’informatique est un véhicule d’endoctrinement réussi pour l’industrie et l’État, précisément parce qu’elle apparaît comme leur contraire : un domaine sans valeur qui incarne à la fois des mathématiques rigoureuses et une ingénierie pragmatique. C’est le pourvoyeur idéal du réalisme capitaliste pour une époque sceptique ; une science de droite qui prospère dans notre ère post-idéologique. »

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    « La Silicon Valley n’existe pas dans un vide intellectuel : elle dépend d’un certain type de discipline informatique. Par conséquent, une refonte de la Silicon Valley par le peuple nécessitera une informatique « populaire » ». C’est-à-dire une autre informatique et une autre vision de l’informatique, soutient Jimmy Wu. Nous en sommes pourtant encore très loin. « Aujourd’hui, les départements d’informatique ne se contentent pas de générer le « réalisme capitaliste », ils sont eux-mêmes gouvernés par lui. » Le financement de la recherche en informatique est totalement dépendant des géants de l’industrie et de la défense. La recherche est guidée par les seules applications industrielles. Et tout ce beau monde nie que l’informatique contemporaine soit une entreprise politique (quelles que soient ses intentions apolitiques affichées). Pour remédier à ce brouillard idéologique étouffant, nous devrions construire une « informatique communiste », soutient Jimmy Wu. Il termine en l’esquissant à grand trait : à savoir que seuls les projets au service direct ou indirect des gens et de la planète devraient pouvoir être financés, en invitant à imaginer des algorithmes pour la planification économique participative, pour estimer le temps de travail socialement nécessaire, pour créer des chaînes d’approvisionnement locales…

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    Le paradigme de l’optimisation par les données et les capteurs réduit en fait la place des citoyens à n’être que les acteurs de leur propre surveillance. Ce paradigme réduit également la diversité, favorise les intérêts privés plus que publics. Mais surtout, l’optimisation efface le conflit, les divergences, les dissensus, les frictions… Or, dans la réalité, bien souvent, les gens luttent pour redéfinir les formes normatives que produisent les données, et trouver des espaces de discontinuité entre les données. La liberté ne consiste pas seulement à ne pas être surveillé, mais également réside dans la capacité d’avoir des approches différentes, d’être en désaccord avec des interprétations, de revendiquer un droit à la discontinuité

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    ce que nous rendons plus efficace rend toujours autre chose moins efficace. Que l’optimisation est toujours un choix qu’on peine à évaluer, dans ses coûts comme dans ses bénéfices. Dans son livre, Tenner observe l’apport ambigu de la techno sur la médecine, l’éducation et la connaissance pour souligner qu’il n’y a pas qu’une forme à l’efficacité, mais des formes qui s’imbriquent et se contrebalancent. Dans notre monde ultra rationnel, où domine le colonialisme comptable, où tout est converti en gains de productivité, l’historien pourtant bien peu radical, nous rappelle que l’inefficacité est parfois un bien meilleur chemin.
    https://www.internetactu.net/2021/06/28/quest-ce-que-linformatique-optimise
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  2. Imaginer qu’on va créer des emplois par la seule magie d’un innovateur organisationnel qui saura trouver une nouvelle façon de créer des biens ou des services dont la production supplémentaire ne nécessite pas d’énergie est une fable. Aucun nouveau Steve Jobs ou Elon Musk ne relancera la croissance sans détruire le climat.
    https://www.linkedin.com/pulse/la-der...e-des-%C3%A9conomistes-jean-latreille
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  3. > Le problème de laisser l’investissement privé conduire seul l’innovation est qu’il est détourné vers les marchés les plus lucratifs, à l’image des utilisations les plus pratiques de l’IA qui servent surtout au ciblage publicitaire et à la vente de détail. Par exemple, la recherche pharmaceutique s’est focalisée sur la recherche de nouveaux médicaments, au détriment des vaccins et des tests. Le soutien s’est enfin surtout focalisé sur l’innovation plus que sur le déploiement et l’aide à l’adoption.

    > Pour Suzanne Berger, spécialiste de l’économie de l’innovation, la grande leçon de la pandémie est de comprendre comment nous avons troqué notre résilience industrielle contre le low cost et la production temps réel. Pour elle, l’enjeu est d’encourager la reconquête industrielle et permettre aux entreprises d’accéder aux technologies de production les plus avancées. Pour cela, il faut soutenir la fabrication de produits essentiels, mais aussi reconnaître le lien entre fabrication et innovation.

    > Pour les économistes Simon Johnson (@baselinescene) et Jonathan Gruber (@jonathangruber1), auteurs de Jump-Starting America, « l’entreprise privée s’avère bien plus efficace quand le gouvernement apporte un solide soutien à la science fondamentale et appliquée et à la commercialisation des innovations qui en résultent ». Les deux économistes appellent à réitérer ces soutiens à l’heure où l’innovation risque d’être l’une des rares options pour stimuler la croissance économique. « L’investissement scientifique doit redevenir une priorité stratégique », assurent-ils. Ils ne sont pas les seuls.

    > Nous avons célébré l’innovation dans les garages en oubliant la production de masse, déplorait Rotman. Comme le disait Andrew Grove, ancien PDG d’Intel, la perte de la capacité à passer à l’échelle finira par nuire à notre capacité d’innovation. Nous y sommes, estime Rotman. Si nous sommes très doués pour créer de nouveaux logiciels qui rendent notre vie plus commode, nous le sommes beaucoup moins pour améliorer la production et la distribution, réinventer la santé, améliorer l’éducation, accélérer la réponse au changement climatique… et surtout, pas seulement bricoler des logiciels, mais « transférer notre savoir-faire technique dans les plus grands secteurs de l’économie ».
    http://www.internetactu.net/a-lire-ai...ie-ne-nous-a-pas-sauve-de-la-pandemie
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