Une méta-analyse de 96 expérimentations conçues pour nous inciter à adopter une alimentation plus saine a été menée par Pierre Chandon, professeur de marketing à l’Institut européen d’administration des affaires de Fontainebleau. Elle montre que les nudges qui font appel à la réflexion des consommateurs, comme le Nutri-Score, sont moins efficaces que ceux qui touchent aux émotions – telles que les incitations au plaisir de manger. De même, les plus performants seraient ceux qui influencent immédiatement nos comportements, comme la réduction de la taille des portions et des contenants, sans recours à une information que nous aurions à traiter, évaluer et comprendre. Mais cette efficacité est difficile à maintenir dans le temps. « Nous sommes des êtres d’habitude ; il est dur de nous faire changer », souligne Patricia Gurviez. « Une fois le mécanisme du nudge révélé, ou si on le fait simplement disparaître de l’espace public, ses effets se dissipent », ajoute Henri Bergeron3, sociologue à Sciences Po Paris et directeur de recherche au CNRS.
L’utilisation de nudges, particulièrement dans le domaine de la santé, soulève aussi son lot de problèmes éthiques. Certains l’accusent en effet d’être un dispositif paternaliste, infantilisant, qui cautionne une certaine forme de manipulation. Les nudges peuvent aussi être à l’origine d’un sentiment de culpabilité chez les personnes qui les contournent délibérément… et un nombre important de comportements ne donnent tout simplement aucune prise à ce type de dispositif. « Beaucoup des facteurs qui expliquent les choix néfastes de certaines personnes vis-à-vis de leur santé sont liés à leur habitat, leur statut socioéconomique, leur profession, poursuit le sociologue. Les nudges n’ont pas d’impact sur les conditions sociales d’existence, comme le pouvoir d’achat. Fonder une politique de santé publique sur les nudges est un projet minimaliste, qui renonce de fait à transformer la société. »
https://www.inserm.fr/actualite/le-nudge-outil-efficace-ou-effet-de-mode
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