Tags: liberté* + société*

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  1. Fatigué d’être libre, d’être autonome et d’avoir à choisir dans un environnement « hyper-démocratique », l’individu moderne « tombe en panne », dans une sorte de mollesse existentielle et d’apathie de masse.

    On peut légitimement penser que cette mollesse existentielle s’est renforcée durant la crise, l’injonction « Allez voter » étant devenue insupportable après des mois de « Allez faire-ci », « N’allez pas là-bas », « Faites la fête comme-ci », « Travaillez comme ça ». Dans ce contexte, l’acte même de voter et la participation à la vie démocratique relèvent d’efforts de plus en plus difficiles pour un peuple fatigué et privilégiant le bonheur personnel

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    Trop de débats, trop d’émissions, trop de polémiques, trop de notifications reçues, trop de candidatures à l’élection présidentielle…Cette overdose est aussi à mettre dans les raisons de ce « grand retrait » démocratique, comme lorsque l’on quitte un mauvais film dans une salle de cinéma car il y a trop de mauvais bruit, trop de sang, trop de mauvais effets spéciaux, trop de tout en trop moyen.
    https://usbeketrica.com/fr/article/fa...-overdose-un-cocktail-abstentionniste
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  2. Le premier jour où j’ai été seule chez moi, j’ai découvert quelque chose d’important, à savoir qu’à mon âge (je vais avoir 40 ans), c’était la première fois de ma vie que j’avais un chez-moi, ne serait-ce que pour une courte période. J’avais l’impression de ne jamais avoir vécu auparavant une telle expérience. J’en éprouvais une joie extrême mêlée d’une peur intense. J’étais tiraillée entre l’envie de faire des milliers de choses et celle de me blottir au fond de mon canapé préféré et d’y rester sans bouger. Voilà ma vie, voilà mon espace privé, et j’ai pu en profiter pleinement pendant toute une semaine. Que signifie tout ce confort, cet espace personnel ? Et comment ai-je été privée de ce sentiment jusqu’à présent ?
    https://www.courrierinternational.com...e-arabe-les-femmes-nont-pas-dintimite
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  3. -
    https://www.monde-diplomatique.fr/1999/04/PAQUOT/2927
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    https://www.courrierinternational.com...porte-ou-est-devenu-la-liberte-ultime
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    https://www.liberation.fr/planete/202...ontre-le-droit-a-l-avortement_1803273
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  6. "D’habitude, nous faisons l’expérience de nous-mêmes à travers la multitude de scènes sur lesquelles nous développons des facettes différentes. Nous sommes un·e professionnel·le perçu·e comme tel·le par nos collègues ou clients, usagers. Nous sommes également un·e partenaire agréable du club de sport, de tricot ou de l’amicale de… ou de bien autre chose. Mais nous avons aussi des parents (ou des enfants) qui nous confirment non seulement notre statut d’enfant (ou de parent) mais également la manière dont nous interprétons, de façon particulière, le rôle qui lui est associé."

    "Nous sommes aussi client·e de boutiques où nous avons des habitudes et où nous sommes identifiés dans notre singularité : la libraire sait que nous sommes accros aux polars nordiques et le poissonnier nous sait friand de maquereaux frais. Nous comptons aussi sur les anonymes que nous croisons dans la rue et qui, par leurs regards, confortent l’image que nous nous faisons de nous par notre voiture, nos habits, nos coiffures ou notre maquillage."

    "Toutes ces dimensions sont suspendues et désormais, nous sommes réduits à notre facette active dans le cadre de notre logement : célibataire, en couple, parent, enfant… On peut bien sûr en combiner deux ou trois si cohabitent des générations mais on voit bien que nous sommes rétrécis, réduits à une portion congrue de la palette des dimensions qui nous composent. Et, notamment quand le logement est petit, nous rencontrons des difficultés à maintenir des territoires personnels."

    "Tous les individus n’ont pas une chambre à eux et la possibilité d’écouter leur musique, de se livrer à leur activité personnelle ou de voir les personnes de leur choix dans leur espace. De ce point de vue, nous faisons collectivement une expérience (bien adoucie) qui se rapproche de la condition carcérale. Le confinement est un enfermement dans une version réduite de nous-mêmes."

    "Mais au contraire des détenus qui en sont (officiellement) privés, nous avons accès à Internet. Et c’est le fil qui reste et qui est sur-sollicité parce qu’il en va de la stabilité de notre être. Réseaux sociaux, textos, messages électroniques ou visioconférences, tous les outils sont mobilisés pour rester en lien avec ceux qui nous confirment habituellement dans notre définition de nous."

    "C’est encore plus vital quand le logement est partagé avec une personne qui ne remplit pas (ou plus) cette fonction. Alors que l’administration pénitentiaire impose aux détenus celui ou ceux avec qui ils doivent cohabiter, les conjoints en phase de rupture se retrouvent à devoir cohabiter avec une personne qu’ils ont choisie. Non seulement ils ne reçoivent plus le regard confortant mais doivent supporter l’indifférence, l’hostilité voire la violence en plus de leur propre responsabilité (même minime) dans cette situation."

    "Jaloux de notre autonomie personnelle, nous entendons conduire notre existence au gré de nos choix individuels et le monde s’y plie souvent même si cette idée fait l’objet de critiques."

    "Les commerces élargissent leurs horaires d’ouverture pour coller à nos emplois du temps éclatés, la personnalisation devient une évidence tant dans l’habillement, l’enseignement ou la médecine. Mais le monde n’est pas que volonté. Un virus peut le figer en quelques semaines et nous nous retrouvons coupés des liens qui nous relient à nous-mêmes. Nous voilà privés de sortie et pourquoi pas de livraisons Amazon !"

    "Nous éprouvons les limites de notre autonomie qui apparaît tributaire de nos relations sociales et de notre consommation. Nous avons besoin de supports pour nous tenir dans ce monde. Nos statuts (les définitions abstraites et standardisées portées par les autres) ne suffisent pas à nous qualifier dans notre individualité. Et notre société singulariste nous pousse à faire preuve d’originalité, d’authenticité, de créativité, etc."

    "Mais pour se construire comme tel, nous avons besoin de ressources, de matériel et aussi de la reconnaissance des autres. Le paradoxe est bien celui d’une autonomie qui nécessite d’être confirmée par autrui et qui nécessite la coopération (rendue visible) de tous ceux qui permettent au monde de tourner : soignants, caissières, mais aussi les travailleurs chinois qui sont en train de produire les masques que nous porterons demain et toute cette armée de l’ombre qui respecte le confinement pour le bénéfice de tous."

    "De façon cohérente, cette expérience du confinement est aussi l’occasion de chercher à sortir de cette dépendance. Cela passe par des appels à faire retour sur soi-même à travers des activités créatives, contemplatives ou de lecture et nul doute que certains de nos contemporains découvrent des facettes d’une identité latente dans le silence de leur vie confinée et solitaire. Ils élaborent un nouveau « moi » qui leur était inconnu et qui les pousseront sans doute à recomposer certains de leurs liens sociaux."

    "La deuxième modernité qui s’est développée depuis les années 1960 a mis l’accent sur la revendication d’autonomie concrète. Ce faisant elle a insisté sur ce qui distingue les individus les uns des autres plutôt que sur ce qui les rassemble. L’expérience du confinement, par la rupture qu’elle nous impose avec nos supports habituels de construction personnelle, nous rappelle notre appartenance concrète à la « commune humanité »."

    "Plus largement, les informations nous signalent que nous sommes tous de potentiels malades de ce virus. Par-delà nos conditions sociales (qui restent déterminantes) et notre quête d’autonomie, notre condition de mortel nous rassemble. Même les jeunes et les élites n’échappent pas à ce mal insaisissable."
    https://theconversation.com/nos-identites-a-lepreuve-du-confinement-135101
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  7. Et c’est ainsi que le capitalisme prend un visage humain, que se dissout la frontière entre le public et le privé, que triomphe l’idéologie libérale du choix s’exprimant dans toutes ses contradictions et tristesses sur les sites de rencontres d’Internet... C’est ainsi que ce qui semblait promesse de libération et de bonheur est devenu contrainte intériorisée, invisible, « naturelle » – sa « construction » a été effacée. Mû par ces nouvelles normes d’égalité, de liberté, de transparence, de rationalisation, l’individualisme d’aujourd’hui accueille une vie émotionnelle qui « obéit à la logique des relations et des échanges économiques ». L’économie intime et l’économie de marché s’épousent, au nom même des valeurs de la démocratie, modulées, interprétées, utilisées par un système économique précis, qui entend bien se faire passer pour le synonyme de la démocratie.

    Ces « pathologies de l’individualisme » semblent donc bien surgir de la rencontre entre les idéaux de la démocratie et les objectifs d’un nouveau capitalisme. Mais, à moins d’espérer une révolution, comment peut-on alors imaginer un avenir qui ne superpose pas le citoyen et le consommateur, les « droits de » et le « droit à » ? Micki McGee, sociologue nord-américaine, après avoir étudié les conditions d’apparition et les significations de la demande massive de techniques d’auto-épanouissement aux Etats-Unis, rappelle elle aussi que « les structures sociales et les identités individuelles sont mutuellement constitutives : interconnectées à un point tel que des changements dans les premières entraînent des changements dans les secondes et, pourrait-on dire, vice versa ».

    Mais, si chacun est désormais sommé de « travailler sur soi », de se considérer comme « capital humain », et ce avec d’autant plus d’acuité que l’insécurité sociale est plus grande, si donc l’aliénation est à son comble, qui fait porter la responsabilité de son insatisfaction sociale à l’individu même, coupable de n’être pas assez résolu à « devenir tout ce qu’il peut être », l’auteure postule néanmoins que cette quête égarée de l’accomplissement de soi peut « servir de catalyseur pour un changement social ». Elle lui apparaît comme une forme « prépolitique » de protestation, qui pourrait être canalisée vers une « participation politique ».

    Ce qui implique de reconnaître que « le désir d’inventer sa vie ne relève plus du narcissisme, ou d’un élan émancipateur alternatif, mais plutôt qu’il est rendu de plus en plus nécessaire comme une forme nouvelle de “travail immatériel” – activités mentales, sociales et émotionnelles requises pour participer au marché du travail », et de s’appuyer sur cette aspiration pour l’étendre à la revendication d’un monde dans lequel « le libre développement de chacun est compris comme la condition du libre développement de tous ». Cela implique assurément que soit réaffirmée la valeur fondatrice de la raison commune, que soient déconstruites les illusions de liberté, mais en s’appuyant sur ce qui, dans les malentendus et les pièges de la modernité, porte, de façon contradictoire mais tenace, une aspiration à une vie meilleure.
    https://www.monde-diplomatique.fr/2007/03/PIEILLER/14519
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