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  1. Les pro­messes d’un numé­rique plus juste, plus fra­ter­nel, plus res­pon­sable, plus équi­table, plus éthique, plus inclu­sif, plus démo­cra­tique, plus fru­gal… existent, mais demeurent mar­gi­nales, anec­do­tiques ou spé­ci­fiques (c’est-à-dire peu repro­duc­tibles). Il y a des pro­jets numé­riques hors capi­ta­lisme numé­rique, oui, mais ils sont et demeurent mineurs et sous-financés.

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    « Les tech­no­lo­gies numé­riques ne sont pas réap­pro­priables, car elles sont le fruit d’une socié­té de masse, d’ex­perts, consti­tuée de rap­ports de domi­na­tion et d’ex­ploi­ta­tion, d’in­fra­struc­tures com­plexes et gigan­tesques dont les citoyens ne peuvent qu’être dépos­sé­dés : on ne met­tra pas des cen­trales nucléaires en auto­ges­tion, de même qu’on n’im­pli­que­ra pas les citoyens de manière « par­ti­ci­pa­tive » dans l’ex­ploi­ta­tion d’une mine au Congo (…) Le logi­ciel libre n’est qu’une moda­li­té de déve­lop­pe­ment infor­ma­tique et de licence de dif­fu­sion, il ne remet pas en cause la recherche d’ef­fi­ca­ci­té, la ratio­na­li­té ins­tru­men­tale qui sont au fon­de­ment des tech­no­lo­gies numé­riques ».

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    Il me semble effec­ti­ve­ment que nous devrions réflé­chir pro­fon­dé­ment à ce qui ne doit pas être numé­ri­sé, à ce qui ne doit pas être trans­for­mé en chiffre, en cal­cul, en sur­veillance. Nous devrions défi­nir des ter­ri­toires où l’in­for­ma­tique ne devrait pas péné­trer. Reste qu’il est dif­fi­cile de savoir les­quels et com­ment. Nous voyons bien que nous devrions tou­jours cher­cher à sépa­rer les pou­voirs plu­tôt que les intri­quer plus avant, or, par nature, le numé­rique faci­lite leur confu­sion. Le prin­cipe même de croi­se­ment de bases de don­nées, d’ac­cès dis­tants, faci­lite des accès qui devraient res­ter étanches.

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    Nous déployons des sys­tèmes qui traquent la fraude sociale des plus dému­nies, avec tou­jours plus de rigueur, mais pas de sys­tèmes qui traquent l’é­va­sion fis­cale. En France, le contrôle fis­cal aurait même recu­lé alors que le contrôle social lui s’est inten­si­fié et depuis 2016, il y a plus de condam­na­tions pour fraude sociale que pour fraude fis­cale, alors que la fraude est esti­mée entre 1 à 10 mil­liards d’euros d’un côté contre au moins 100 mil­liards de l’autre. Pour­quoi ne fai­sons-nous pas des sys­tèmes qui aident les gens à récla­mer les pres­ta­tions sociales aux­quelles ils ont droit plu­tôt que des sys­tèmes qui sur­veillent au cen­time près les pres­ta­tions qu’ils touchent ? Pour­quoi ne déve­lop­pons-nous pas des mesures pour auto­ma­ti­ser les aides plu­tôt que de consta­ter le déve­lop­pe­ment du non-recours — qu’on estime en moyenne à 30% selon le Secours catho­lique ?

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    Plus les chiffres sont nom­breux, plus ils sont cal­cu­lés et donc appré­ciés depuis des cas­cades de cal­culs, plus la pré­ci­sion qu’ils sont cen­sés affi­ner devient pro­blé­ma­tique. Pour cal­cu­ler les moyennes des élèves on addi­tionne des notes de math et de sport, selon des appré­cia­tions dif­fé­rentes selon les filières aux­quels ils appar­tiennent, selon des cri­tères qui n’ont rien de com­mun, pour­tant ces moyennes qui mélangent donc les tor­chons et les ser­viettes, pro­duisent des résul­tats sco­laires qui pro­duisent des pos­si­bi­li­tés d’af­fec­ta­tion ou non dans le supé­rieur… et déter­minent des vies.

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    ce que le numé­rique opti­mise, ce sont des gains de pro­duc­ti­vi­té. L’au­to­ma­ti­sa­tion s’im­pose sous les coups d’un colo­nia­lisme comp­table, d’une poli­tique éco­no­mique d’aus­té­ri­té, de rigueur, hos­tile à l’ad­mi­nis­tra­tion et aux citoyens. Telle qu’elle est pra­ti­quée, elle érode les droits des admi­nis­trés, elle ne pro­duit pas la neu­tra­li­té et l’im­par­tia­li­té atten­due, parce qu’elle est avant tout mise en place pour réduire le nombre de béné­fi­ciaires depuis des méthodes de cal­cul qui n’ont pas tou­jours l’ob­jec­ti­vi­té scien­ti­fique qu’on devrait attendre d’elles, qui fonc­tionnent sou­vent à par­tir d’in­for­ma­tions erro­nées, inexactes et incom­plètes… trop sou­vent indif­fé­rentes aux pré­ju­dices cau­sés à ceux qui ont été faus­se­ment calculés.

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    Les sys­tèmes tech­niques ne sont pas neutres. Le capi­ta­lisme et le néo­li­bé­ra­lisme les ont inves­tis pour y déve­lop­per leurs logiques. Nous sommes cer­nés par des sys­tèmes néo­li­bé­raux aug­men­tés par le numé­rique et les sys­tèmes numé­riques de gauche sont inexis­tants.

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    Nous entrons dans une forme d’hys­té­ri­sa­tion du cal­cul, un véri­table délire cal­cu­la­toire où la com­plexi­té — au détri­ment de l’ex­pli­ca­bi­li­té, de la sim­pli­ci­té, de la trans­pa­rence et sur­tout de l’é­qui­té ! — les rend incom­pré­hen­sibles au com­mun des mor­tels. C’est ce que pro­pose fina­le­ment le pro­jet de l’In­tel­li­gence arti­fi­cielle : rendre les cal­culs incom­pré­hen­sibles aux humains. Qu’im­porte s’il se révèle pro­fon­dé­ment raciste, dis­cri­mi­nant, biai­sé, nor­ma­tif… et pro­fon­dé­ment conser­va­teur, car il s’en­ra­cine dans les don­nées du pas­sé pour construire sa chape de plomb, quand nous avons tant besoin de réin­ter­pré­ter le pas­sé pour chan­ger l’a­ve­nir ! Der­rière ce délire cal­cu­la­toire le risque bien sûr c’est que les cri­tères pris en compte finissent par noyer les objec­tifs mêmes du cal­cul, c’est-à-dire qu’on cal­cule pour cal­cu­ler sans plus savoir à quoi cela se rap­porte et en oubliant sa res­pon­sa­bi­li­té

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    Il me semble effec­ti­ve­ment que la piste de la natio­na­li­sa­tion est aujourd’­hui une piste tota­le­ment délais­sée. Trans­for­mer cer­tains réseaux et ser­vices en biens publics, « en Com­muns », est une piste qui n’est pas ou peu acti­vée. Dans le néo­li­bé­ra­lisme dans lequel on baigne, ce n’est pas très sur­pre­nant hélas. Pour­tant, c’est un levier fort que les États ont sou­vent uti­li­sé pour géné­rer de la neu­tra­li­té, de la jus­tice, de l’é­qui­té, de la diver­si­té… comme quand ils ont créé des médias de ser­vices publics ou des infra­struc­tures publiques comme l’ont été Radio-France, la Poste, le réseau fer­ré ou élec­trique, ou les Télé­coms. Nous ne sommes pas dans ces pers­pec­tives ni dans ces logiques aujourd’hui.

    Les États peinent à répondre aux logiques des acteurs pri­vés, à les régu­ler, à limi­ter leurs mono­poles… au contraire, ils s’ap­puient sur eux pour leurs délé­guer des fonc­tions de plus en plus réga­liennes dans des par­te­na­riats publics-pri­vés qui servent à pri­va­ti­ser les béné­fices et socia­li­ser les pertes. Les infra­struc­tures de trai­te­ments, de col­lecte de don­nées, d’hé­ber­ge­ment sont de plus en plus confiées à des acteurs pri­vés. Le sou­tien public est uni­que­ment orien­té vers de l’ac­com­pa­gne­ment aux jeunes pousses, star­tups et autres licornes — au détri­ment de tout sou­tien à des ini­tia­tives non mar­chandes ou alter­na­tives. Ce qui favo­rise la construc­tion de mono­poles tou­jours plus puis­sants… et ce au détri­ment de toute réflexion sur ce que pour­raient être une infra­struc­ture publique numé­rique ou des ser­vices publics numé­riques. Pour­tant, quelques-uns des plus popu­laires et impor­tants ser­vices de l’in­ter­net pro­viennent d’as­so­cia­tions et refusent d’être des entre­prises, comme Wiki­pé­dia, Open Street Map ou Signal…

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    Le pro­blème me semble plu­tôt tenir au fait que tout doive pas­ser par le numé­rique désor­mais. J’ai quand même un peu l’im­pres­sion que le droit à la décon­nexion prend le pro­blème à l’en­vers ! On recom­mande moins de temps d’é­cran, mais tout passe désor­mais par eux ! Du per­mis de conduire à nos consul­ta­tions médi­cales, des cours au tra­vail, de nos ami­tiés à nos dis­trac­tions, des cours de yoga aux demandes d’ac­cès aux ser­vices publics, en pas­sant par les courses en ligne et l’ac­cès au musée ou aux ciné­mas ! La mon­tée de la panique morale du temps pas­sé sur les écrans n’est que le reflet de l’im­por­tance que les écrans prennent désor­mais dans nos vies. Le droit à la décon­nexion ne vise qu’à culpa­bi­li­ser les usa­gers pour mieux décul­pa­bi­li­ser les pro­duc­teurs de ser­vices numé­riques et les éco­no­mies d’é­chelles qu’ils per­mettent.

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    Le numé­rique est en train de deve­nir le péage d’ac­cès à la ville, que ce soit pour contrô­ler votre état de san­té via un passe sani­taire, votre auto­ri­sa­tion à cir­cu­ler, votre iden­ti­té, ou l’al­lo­ca­tion de res­sources dis­po­nibles… Les mul­tiples formes du QR-code risquent de refer­mer l’ac­cès libre et ouvert au monde réel. Dans cette ville de l’en­re­gis­tre­ment, nos accès risquent de deve­nir dyna­miques, sui­vant des niveaux de prio­ri­tés dif­fé­rents liés à vos pos­si­bi­li­tés d’ac­cès au numé­rique. Désor­mais, le monde phy­sique est prêt pour être régi par un ensemble tech­nique, juri­dique et com­mer­cial qui va gérer les accès, selon des moda­li­tés dis­cri­mi­na­toires et opaques. C’est bien plus inquié­tant que le temps que nous pas­sons devant nos écrans !

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    Si on regarde le monde numé­rique à l’aune de sa dura­bi­li­té, ce monde n’est pas sou­te­nable. Si on le regarde à l’aune de ses enjeux démo­cra­tiques ou sociaux, le numé­rique ne pro­duit pas un monde en com­mun. Il va donc fal­loir refer­mer des pos­sibles que le numé­rique a ouverts. La sur­veillance, la fausse effi­ca­ci­té qu’elle pro­met ne pro­pose que du contrôle, de la répres­sion, des dis­cri­mi­na­tions, de la sécu­ri­té au détri­ment de la liber­té, de l’é­qui­té, de l’é­ga­li­té. On ne fait pas socié­té seule­ment en cal­cu­lant son effi­ca­ci­té maxi­male ! Les outils qui servent le capi­tal ne peuvent pas être uti­li­sés pour trans­for­mer l’é­cole, l’hô­pi­tal ou la ville, comme concluait la spé­cia­liste de l’In­tel­li­gence arti­fi­cielle Kate Craw­ford dans son excellent livre Atlas of AI : Power, Poli­tics, and the Pla­ne­ta­ry Costs of Arti­fi­cial Intel­li­gence. La pour­suite des gains de pro­duc­ti­vi­té ne nous réorien­te­ra nulle part !
    https://www.agirparlaculture.be/une-p...numerique-de-gauche-est-elle-possible
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  2. -
    https://www.hbrfrance.fr/chroniques-e.../31381-bullshit-jobs-ou-bullshit-work
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