frenchhope: élitisme*

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  1. Ce narcissisme n’est pas nécessairement péjoratif s’il est envisagé comme la simple fierté de sentir son esprit résonner avec celui de l’écrivain au fil des pages. On peut déplorer l’inélégance de certains hommes cultivés citant Héraclite d’un ton faussement désinvolte entre le fromage et le dessert. Mais vouloir dissocier la littérature de sa puissance singularisante, c’est lui ôter sa fonction cathartique. On ne peut pas lire l’Odyssée sans se sentir un peu Ulysse, et tant pis pour la pudeur.

    Par ailleurs si la lecture ramène à soi, elle ouvre aussi aux autres. La conscience de sa propre condition passe inévitablement par une mise en relation avec d’autres vies que la sienne. La lecture s’accomplit toujours dans un double mouvement centripète et centrifuge : la cristallisation identitaire (s’identifier, c’est ramener à soi) se combine au renforcement de liens externes (s’identifier, c’est aller vers l’autre). Dans cette perspective, publier des contenus littéraires sur Instagram ne relève pas d’un mouvement de repli mais au contraire d’une dynamique d’ouverture. Le réseau social assure la transition entre le régime « égoïste » du corps à corps individuel avec le livre, et le régime « altruiste » du partage convivial de la lecture avec autrui, et ce faisant il contribue à subvertir les hiérarchies culturelles.

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    Le régime de popularité encouragé par les plates-formes numériques (injonctions aux « likes », aux « partages », aux « commentaires ») favorise en effet la mise en scène du best-seller plutôt que d’une littérature académique. La dimension communautaire des sociabilités en ligne, associée à la symbolique démocratique d’Internet, s’oppose à l’apologie des happy few. Loin d’encourager une aristocratie des lecteurs, Instagram, YouTube ou Facebook fixent de nouveaux principes hiérarchiques où la règle vaut davantage que l’exception.
    https://theconversation.com/bookporn-...s-la-fin-de-lelitisme-culturel-150711
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  2. Pourquoi cela satisfait-il particulièrement l’auditeur bourgeois ? D’abord parce que le fait de restreindre le champ d’écoute permet d’approfondir chaque « grand » compositeur et donc de se distinguer du prolo qui ne connaîtra que les airs les plus connus popularisés par un film à succès ou une publicité. C’est aussi pour cela que la musique classique d’aujourd’hui correspondant à des BO de films est comparativement peu diffusée sur une telle radio, le prolo pourrait reconnaître ! Au contraire, on préférera se gargariser entre happy few à comparer différents interprétations d’une même œuvre ancienne, avec une sensibilité aux subtiles variations que seuls les bourgeois ont matériellement le temps de cultiver.

    Ensuite, l’éternel retour du même est extrêmement rassurant, car il permet à l’auditeur qui reconnaît un morceau déjà passé de se dire qu’il a de la « culture » et de se sentir valorisé. Se confronter à un nouveau morceau ou un nouveau compositeur, c’est au contraire accepter sa méconnaissance, ce qui est peu compatible avec l’image d’assurance et de légitimité que la bourgeoisie veut donner d’elle-même. Ce mécanisme de l’éternel retour d’une même production est d’ailleurs le principe au fondement du festival de Bayreuth en Allemagne, qui tourne depuis bientôt 150 ans sur les 10 mêmes œuvres de Wagner ! Le succès est tel qu’il faut attendre des années pour avoir une place. Seule une élite bourgeoise peut concrètement avoir accès à ce type de spectacle, dont l’intérêt principal est moins sa grande qualité artistique qu’elle ne consiste en une marque sociale, d’abord d’y être mais surtout d’y avoir été.

    Enfin, mettre en avant un faible nombre de « grands » compositeurs corrobore l’idéologie dominante du mérite et du génie individuel, en montrant par l’exemple qu’il est tout à fait normal d’attribuer 50 % des ressources à 9 personnes seulement… ce qui rappelle vaguement quelque chose. Sélectionner aussi radicalement un petit nombre de compositeurs aussi bons soient-ils, c’est en écarter combien d’autres, et sur quels critères ?

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    > L’avantage de la charité, c’est que c’est un système qui permet de choisir la cause pour laquelle on donne, et de recevoir directement en retour une gratification morale correspondant au transfert d’argent, se traduisant même parfois symboliquement (galas, concerts, voire plaques commémoratives pour les plus grands donateurs ou mécènes…), et surtout qui ouvre droit à défiscalisations

    > Sachant qu’une défiscalisation, c’est soit moins de service public, soit compensé par une hausse des impôts, c’est bien le pauvre qui va subir ou payer pour la rentabilité des « quelques économies » de cet homme bien propre sur lui et soucieux du bien commun. Bien entendu, le bourgeois a l’impression d’être utile en permettant à un pauvre de se loger. Enfin goûtons sans réserve cet aveu en creux, « la vraie utilité sociale » impliquant que la plupart des autres « investissements » sont bien complètement nuisibles, mais cela personne ne s’en est rendu compte à Radio Classique.

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    > Bon, à ce stade, on se dit surtout que la quasi-totalité des pubs se rapportent directement à l’argent en tant que tel, soit pour en avoir plus, soit pour le donner en purifiant son âme, soit un mix des deux : c’est obsessionnel. Il n’y a pas de pub pour une mutuelle ou des promos en magasin, et une seule qui soit en rapport avec un bien à acheter réellement – et encore, de l’agneau en semaine de Pâques. Les auditeurs de Radio Classique ne sont pas à ce niveau-là n’est-ce pas.


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    > Enfin, il faut noter l’omniprésence des publicités pour sauver les chrétiens d’Orient en soutenant l’association SOS chrétiens d’Orient. Il s’agit d’une association issue des milieux de la droite catholique qui vise à encourager le maintien sur place des chrétiens persécutés en Irak, Syrie, Liban, Égypte. Si l’on peut comprendre la solidarité entre coreligionnaires, on peut aussi lire en creux que cette action de soutien est nécessaire à cause de ces méchants musulmans. Gageons que c’est aussi une manière de se placer dans la lignée de Charles Martel et Godefroy de Bouillon, héros d’un passé d’autant plus fantasmé qu’on peut le présenter à peu près comme on le souhaite. Cela tombe bien, Franck Ferrand est là, qui opère sur la même radio.

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    > Un bourgeois exploitant le travail d’autrui, détruisant le droit du travail, maltraitant les soignants et les vieux dans les EHPAD en exigeant une rentabilité de 10 % ou 15 % sur son placement ne se voit pas comme une ordure capitaliste, non. Il se fait seulement un autre récit de lui-même que celui que nous faisons à Frustration.

    > Radio Classique ne donne pas l’image d’une radio qui serait outrageusement réactionnaire. Elle donne plutôt une image d’évidence, celle du récit que la bourgeoisie se donne à elle-même : chaleureuse et bienveillante sur la forme, sûre d’elle-même, entreprenante et généreuse sur le fond (nous dirions : individualiste, opportuniste et inconséquente…). Elle entretient une image du passé largement fantasmatique glorifiant quelques individus démiurgiques – les génies et les héros – dont elle se voit la continuatrice et seule capable d’apprécier la valeur, et dont elle pense tirer sa légitimité à dominer.

    > Celle-ci va donc de soi, mais s’il en fallait une preuve c’est qu’elle est cultivée, et méritante de l’être : c’est du boulot, d’aller écouter Wagner ! La musique classique remplit le rôle de code culturel qui permet aux conservateurs de créer un espace propice à développer leur récit. Ce code ne change jamais pour faciliter la reconnaissance entre pairs et la reproduction des élites, mais on fait bien en sorte de le laisser peu accessible aux autres catégories de la population afin de protéger l’entre-soi des bourgeois. Cet éloignement du monde se manifeste aussi par l’euphémisation de tout ce qui pourrait heurter leur sensibilité, la pauvreté ou le prolétariat sont par exemple des concepts inexistants. Une fois protégée du monde extérieur par ses codes, mais aussi ses lieux et ses relations, la bourgeoisie peut alors se permettre de raisonner en circuit fermé, hermétique au monde réel.

    > Donc si des gens sont pauvres ou que l’Hôpital public se délabre, il n’y a pas de cause bien définie, à part que c’est la faute à pas de chance probablement, ou bien ils ne se sont pas donné les moyens de sortir de cette situation. Et ça, on ne peut rien faire, sauf s’ils sont chrétiens d’Orient / femmes battues / Église en détresse, car là évidemment ce sont des causes valables puisqu’elles touchent leurs affects bourgeois. Enfin, avec ce mode de pensée individualiste, aucun raisonnement systémique ne peut prendre place dans leur univers : aucun lien, apparemment, entre le soutien aux soignants par une collecte de dons et une défiscalisation dont on bénéficie. La main gauche ignorant ce que fait la droite, la morale est sauve.
    https://www.frustrationmagazine.fr/en...ssique-nous-apprend-de-la-bourgeoisie
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  3. -
    https://invidious.fdn.fr/watch?v=fhf7...ocal=true&autoplay=0&subtitles=%2C%2C
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  4. -
    http://www.internetactu.net/2015/10/1...e-nouvel-elitisme-des-reseaux-sociaux
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    https://www.slate.fr/story/104487/ecole-inclusive
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  6. -
    http://www.slate.fr/story/104487/ecole-inclusive
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