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    https://hubertguillaud.wordpress.com/...n-valley-plus-de-droite-que-de-gauche
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  2. Selon Judt, dans les années 1970 et 1980, un trop grand nombre de ses pairs intellectuels ont troqué leurs positions radicales contre “l’accumulation de biens matériels et le confort personnel”, lorsque le consensus d’après-guerre en faveur de l’État providence a fait place au néolibéralisme ; ils ont été particulièrement prompts à intérioriser la croyance populaire, après la chute du mur de Berlin, selon laquelle la démocratie et le capitalisme avaient “gagné”.

    Une vision du monde similaire prévaut parmi une génération encore plus jeune que celle de Judt. Ses membres, qui ont vécu une époque encore plus favorable, à la fin de la guerre froide, occupent des postes de direction dans les journaux, les chaînes de télévision, les groupes de réflexion et les départements universitaires anglo-américains. Comme ils ont grandi pendant les années 1990 triomphalistes, ils partaient du principe que la démocratie et le capitalisme à l’américaine avaient prouvé leur supériorité.

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    Aujourd’hui, on ne peut nier que les principaux développements au sein des pays anglo-saxons – la fin des syndicats, l’influence accrue des entreprises et la délocalisation des emplois, mais aussi le creusement des inégalités et la montée des suprémacistes blancs – ne peuvent être expliqués sans référence à la montée de la Chine, devenue atelier du monde et puissance mondiale nationaliste et agressive.

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    Les belles histoires que se raconte le monde libre, gardien du libéralisme et de la démocratie, héritier des Lumières et ennemi de l’autoritarisme, ne leur sont ici d’aucune utilité pour le comprendre.

    Toute cette mythologie du monde libre vertueux héritée de la guerre froide a laissé dans l’ombre trop de faits gênants, par exemple le fait que Voltaire décrivait les Noirs comme des “animaux” dotés de “peu ou pas d’intelligence”, que Kant pensait que la peau foncée constituait une preuve évidente de stupidité et que les femmes n’étaient pas aptes à la vie publique, ou que John Stuart Mill pensait que les Indiens étaient des “barbares” inaptes à disposer d’eux-mêmes.

    En outre, l’obsession nourrie à l’égard des crimes de Staline, Mao et Hitler a réussi à occulter ces siècles de violence et de spoliation qui ont fait de la Grande-Bretagne et des États-Unis des pays exceptionnellement puissants et riches. Comme l’a récemment écrit la philosophe féministe Lorna Finlayson :

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    Une chose est sûre, ceux qui ont inventé de toutes pièces des courants intellectuels (les anti-Lumières, l’irrationalisme romantique, l’islamo-fascisme) pour définir les ennemis de la démocratie libérale et de l’Occident des Lumières ne vont jamais vous en parler. Et ceux qui pourraient vous en parler – les victimes à long terme et les proches observateurs de cet Occident éclairé – ont été réduits au silence ou marginalisés.

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    Une tâche plus radicale et plus ardue est nécessaire pour éviter une perte de repères conceptuels identique à celle des Indiens Crow : la remise en cause d’une tradition intellectuelle qui déforme notre sens de la réalité, et le réapprentissage de l’histoire mondiale, en reconnaissant que les postulats fondamentaux sur l’infériorité des peuples non blancs ont entaché une grande partie de nos connaissances et de nos analyses. C’est peut-être une tâche énorme, mais c’est le seul moyen de changer de paradigme.
    https://www.courrierinternational.com...cidentales-sont-en-train-de-se-briser
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  3. C’est comme si en informatique, l’enjeu premier était de ne pas prendre parti ou de ne pas faire de politique… Comme si tout n’était question que de paramètres à régler.

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    « Lorsqu’on entre dans le « monde réel », la perspective acquise grâce à ces formations en informatique s’intègre parfaitement à l’idéologie économique dominante. Après tout, qu’est-ce que le capitalisme néolibéral sinon un système organisé selon un cadre d’optimisation particulièrement étroit ? » « À l’école, on nous a dit que tout problème pouvait être résolu en tournant les boutons algorithmiques de la bonne manière. Une fois diplômés, cela se traduit par la conviction que, dans la mesure où la société a des défauts, il est possible d’y remédier sans changement systémique : si l’accumulation du capital est le seul véritable objectif et que le marché est un terrain de jeu infiniment malléable, il suffit de donner aux agents individuels les incitations appropriées. Pour réduire l’utilisation du plastique, ajoutez une surtaxe sur les sacs d’épicerie. Pour résoudre la crise du logement, relâchez les contraintes imposées aux promoteurs d’appartements de luxe. Pour contrôler la pollution, fixez un prix de marché en utilisant un système de plafonnement et d’échange. »

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    « Le péché originel du programme capitaliste est donc qu’il optimise non pas une certaine mesure du bien-être social ou de la satisfaction humaine, mais une quantité qui ne peut être qu’un lointain substitut de ces objectifs. Pour remédier aux dommages considérables causés par cette mauvaise formulation, les démocraties libérales d’aujourd’hui cherchent à concevoir un programme plus nuancé. Le profit constitue toujours le premier terme de l’objectif, mais il est désormais accompagné d’un éventail impressionnant de termes secondaires modifiables à l’infini : imposition progressive des revenus pour ralentir l’accumulation des richesses, taxes et subventions pigouviennes pour guider le comportement des consommateurs, et marchés d’émissions financiarisés pour freiner la désintégration rapide de la planète. Lorsque les carottes et les bâtons du marché ne suffisent pas, les gouvernements tentent d’imposer des réglementations, en introduisant des contraintes supplémentaires. Ces solutions politiques suivent précisément la même logique que les exercices qu’on nous propose en classe sur les réglages algorithmiques. »

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    L’informatique lui est bien supérieure, ironise l’ingénieur. « Elle enseigne les axiomes et les méthodes du capitalisme avancé, sans les questions politiques qui peuvent se poser en économie ou dans d’autres sciences sociales. Dans sa forme actuelle, l’informatique est un véhicule d’endoctrinement réussi pour l’industrie et l’État, précisément parce qu’elle apparaît comme leur contraire : un domaine sans valeur qui incarne à la fois des mathématiques rigoureuses et une ingénierie pragmatique. C’est le pourvoyeur idéal du réalisme capitaliste pour une époque sceptique ; une science de droite qui prospère dans notre ère post-idéologique. »

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    « La Silicon Valley n’existe pas dans un vide intellectuel : elle dépend d’un certain type de discipline informatique. Par conséquent, une refonte de la Silicon Valley par le peuple nécessitera une informatique « populaire » ». C’est-à-dire une autre informatique et une autre vision de l’informatique, soutient Jimmy Wu. Nous en sommes pourtant encore très loin. « Aujourd’hui, les départements d’informatique ne se contentent pas de générer le « réalisme capitaliste », ils sont eux-mêmes gouvernés par lui. » Le financement de la recherche en informatique est totalement dépendant des géants de l’industrie et de la défense. La recherche est guidée par les seules applications industrielles. Et tout ce beau monde nie que l’informatique contemporaine soit une entreprise politique (quelles que soient ses intentions apolitiques affichées). Pour remédier à ce brouillard idéologique étouffant, nous devrions construire une « informatique communiste », soutient Jimmy Wu. Il termine en l’esquissant à grand trait : à savoir que seuls les projets au service direct ou indirect des gens et de la planète devraient pouvoir être financés, en invitant à imaginer des algorithmes pour la planification économique participative, pour estimer le temps de travail socialement nécessaire, pour créer des chaînes d’approvisionnement locales…

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    Le paradigme de l’optimisation par les données et les capteurs réduit en fait la place des citoyens à n’être que les acteurs de leur propre surveillance. Ce paradigme réduit également la diversité, favorise les intérêts privés plus que publics. Mais surtout, l’optimisation efface le conflit, les divergences, les dissensus, les frictions… Or, dans la réalité, bien souvent, les gens luttent pour redéfinir les formes normatives que produisent les données, et trouver des espaces de discontinuité entre les données. La liberté ne consiste pas seulement à ne pas être surveillé, mais également réside dans la capacité d’avoir des approches différentes, d’être en désaccord avec des interprétations, de revendiquer un droit à la discontinuité

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    ce que nous rendons plus efficace rend toujours autre chose moins efficace. Que l’optimisation est toujours un choix qu’on peine à évaluer, dans ses coûts comme dans ses bénéfices. Dans son livre, Tenner observe l’apport ambigu de la techno sur la médecine, l’éducation et la connaissance pour souligner qu’il n’y a pas qu’une forme à l’efficacité, mais des formes qui s’imbriquent et se contrebalancent. Dans notre monde ultra rationnel, où domine le colonialisme comptable, où tout est converti en gains de productivité, l’historien pourtant bien peu radical, nous rappelle que l’inefficacité est parfois un bien meilleur chemin.
    https://www.internetactu.net/2021/06/28/quest-ce-que-linformatique-optimise
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